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LA LÉGENDE DE LA CONSÉCRATION PAR LE CHRIST

DE LA BASILIQUE MÉROVINGIENNE DE SAINT-DENIS

ET DE LA GUÊRISON DU LÉPREUX

par Anne LOMBARD-JOURDAN

« La date liturgique de la fête de la dédicace d'une église ne change pas alors même que plusieurs édifices se sont succédé : c'est celle de la dédicace du premier temple qui demeure dans le calendrier » (1). A l'abbaye de Saint-Denis, l'anniversaire de la dédicace de la basilique primitive était fixé au 24 février ; il était commémoré à ce jour depuis la fin du ixe siècle au moins (2), mais on en avait oublié l'année et les circonstances. Pour justifier sa célébration, les religieux imaginèrent, à la fin du xie siècle, une consécration par Jésus-Christ en personne de la basilique mérovingienne prétendument construite par Dagobert Ier ; ils l'agrémentèrent de la guérison d'un lépreux et fixèrent sa date à l'année 636 (3). Cette légende, cautionnée par Suger, fut insérée, en 1233, dans les Vita et actus beau Dyonisii, version officielle en latin de ce qu'il fallait croire au sujet de saint Denis et de sa basilique ; par là même authentifiée, elle fut désormais indéfiniment répétée, puis traduite, abrégée et adaptée en français pour les laïcs et les visiteurs de l'abbaye.

La légende

— ■ La légende racontait comment, la veille du jour fixé par les évêques et par le roi Dagobert pour la dédicace de la basilique (24 février 636), le Christ entra par une fenêtre au milieu d'une lumière céleste ; il était accompagné par les saints Pierre et Paul, auxquels s'étaient joints saint Denis et ses deux compagnons, ainsi qu'une multitude d'anges et de saints ; il accomplit tous les rites nécessaires à la consécration de l'édifice. La foule avait été expulsée la veille en vue des préparatifs à faire pour la cérémonie ; mais un pauvre lépreux, craignant de ne pas être admis dans l'église le lendemain, s'était caché dans l'ombre : il fut le seul témoin de cette dédicace nocturne et miraculeuse. L'ayant aperçu, Jésus lui enjoignit d'aller trouver les évêques pour les avertir en son nom qu'il n'était plus nécessaire de dédier l'église, puisqu'il l'avait fait en personne. Le lépreux s'excusant sur sa maladie et la « vilité de sa personne », le Christ s'approcha de lui et, arrachant la peau couverte de lèpre de sa face, il la posa sur une pierre voisine : bien qu'elle fut vide de chair et d'os, cette enveloppe cutanée conserva la forme du « chiés d'un me- sel ». Au matin, le lépreux demanda à être conduit au roi, car il avait un secret à lui communiquer. D'abord incrédule, Dagobert fut convaincu que le pauvre homme disait vrai à la vue du masque de lèpre ; il interdit aux évêques de procéder à une nouvelle dédicace. Dans l'ignorance du nom du lépreux les gens l'appelèrent en latin Peregrinus, c'est-à-dire « l'Étranger », et, à cause du miracle dont il avait bénéficié, ils le canonisèrent~:*iljlevint*saint Pérégrin ou Pèlerin (4).

La véritable dédicace

— Si les circonstances ainsi attribuées à la dédicace de la première église de Saint-Denis sont de toute évidence légendaires, quelles furent-elles en réalité? et où trouver les motifs de l'élaboration d'une telle fable?

Les rites de consécration d'un édifice destiné au culte comportent entre autres, dans l'église catholique, l'aspersion avec de l'eau bénite des murs de l'église à l'extérieur et à l'intérieur et l'onction et